Tandis que je glissais entre les mondes, Elle m’a dit :
— « Il est temps… Il est temps pour toi de tout ressentir ; il est temps pour toi d’éprouver toute l’horreur que l’humanité s’inflige à elle-même et à la Terre.
Il est temps que tu perçoives la souffrance que tu t’infliges à toi-même, et celle que tu infliges aux autres ; temps de ressentir la solitude… la tienne et celle de tous.
Il est temps de ressentir l’angoisse des parents qui ont porté en terre un enfant ; l’angoisse des familles dont les enfants sont partis à la guerre et qui, jamais, ne sont revenus ; de ceux qui ont vu leurs proches disparaître à cause de la maladie, d’un incendie, d’une inondation, du suicide ; la souffrance de notre planète qui se meurt… celle des êtres vivants, des plantes et des animaux affamés qui agonisent ; celle des querelles d’amoureux jamais résolues ; celle des espoirs et des rêves non assouvis des rêveurs. »
— « Il te faut tout ressentir », a-t-Elle répété.
Mais je ne voulais pas.
Mes tripes se sont nouées ; je craignais de ne pouvoir supporter toute la souffrance qui est la nôtre.
— « Ça va me tuer », ai-je protesté tandis que les larmes commençaient à couler sur mon visage. « Je ne peux supporter l’idée de connaitre ou de vivre autant de souffrance.
— « Il le faut », a-t-elle répété… « L’heure est venue. Tu es prête. »
Et c’est ce que j’ai fait.
J’ai accepté la souffrance et l’angoisse en lien avec nos blessures… les miennes, les vôtres… celles des gens que je connais, celle de ceux que je ne connais pas et ne connaîtrai jamais.
J’ai laissé la souffrance envahir mes tripes.
Je l’ai laissée prendre corps et me souffler que, lorsque nous nous faisons du mal les uns les autres, ça a de l’importance ; que cela compte quand je me fais du mal ou que je fais du mal aux autres.
Mon cœur a pleuré chaque instant de cruauté commis à l’encontre de chacun d’entre nous sur cette belle planète.
J’ai pleuré chaque perte, pleuré la solitude de tous.
J’ai pleuré à ne plus pouvoir supporter la douleur au creux de mon ventre…
J’y suis arrivée.
J’ai tenu bon.
J’ai pleuré jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien… jusqu’à être vidée… et je me suis endormie.
Au réveil, le vide était rempli d’une immense douceur… pour moi, pour nous, pour nous tous. Un élan de bienveillance a germé… et l’envie de prendre soin… l’envie de garder les yeux ouverts et de regarder sans faillir la douleur et la souffrance ; l’envie de tendre la main et d’ouvrir mon cœur chaque fois que je le peux ; la volonté de garder les yeux ouverts, de ne pas m’endormir ; l’envie de ressentir la souffrance et la solitude que je rencontre au quotidien, tout comme la beauté et l’émerveillement.
Et tout accueillir, avec respect et gratitude.
— © Tina Benson, Author (A Woman Unto Herself: A Different Kind of Love Story), Jungian/Transpersonal/Spiritual Life Coach
Traduction : Michèle Le Clech (avec l’aimable autorisation de Tina Benson)
Relecture : Nelly Delambily
Traduction mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas de Modification