Jung m’a une fois raconté qu’il a réalisé l’anima pour la première fois quand son amie Madame Wolff lui a menti. Il était tellement furieux qu’il a voulu cesser la relation. Alors il est rentré à la maison et tout à coup il s’est demandé : « Pourquoi ai-je cette demande impérieuse qu’elle ne doit jamais mentir ? Elle est une autre personne qui a le droit de faire ce qu’elle veut. » Il a alors réalisé que c’était son propre sentiment, que lui ne supportait pas le mensonge dans l’amour. Il a réalisé qu’il avait l’image, en lui-même, d’une femme qui ne ment jamais et qu’il la posait sur son amie, qu’il la tyrannisait en lui demandant de jouer ce rôle. Et c’est ce que les hommes font jusqu’à aujourd’hui : ils essaient de forcer leur femme à se comporter selon l’image qu’ils ont d’elle, qui est pour ainsi dire le symbole de leur style amoureux.
— Marie-Louise von Franz, Le Cri de Merlin (interview de Claude Mettra)