Le mal, juste une privatio boni ?

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Psychotherapie, l'expérience du praticien“De nos jours, nous sommes confrontés à un problème à peu près insoluble, sinon tout à fait, celui du mal, et à la question de savoir comment s’y confronter.
Dans la plupart des religions non chrétiennes (à l’exception du bouddhisme), les dieux ou la divinité suprême sont à la fois bons et destructeurs.
Mais dans l’aire culturelle gréco-romaine d’une part, dans le judaïsme tardif (Livre de la Sagesse de l’Ancien Testament) d’autre part, la tendance à voir en dieu le summum bonum (le bien suprême) et à rejeter le mal de son domaine, pris le dessus — tendance unilatérale qui fut portée à son apogée dans la doctrine scolastique selon laquelle le mal n’avait pas d’existence propre, mais ne représentait qu’une privatio boni, soit une simple déficience, soit une absence de bien.

Une attitude psychique aussi unilatérale suscite une réaction compensatrice contraire. Le Christ lui-même en avait l’intuition puisqu’il annonçait la venue de l’Antéchrist.
Selon la description que Jung en a donné, en particulier dans ses œuvres Aïon et Réponse à Job, ce mouvement contraire se fait jour à partir de l’an mille environ de notre ère, c’est-à-dire depuis le début de la deuxième moitié de l’ère des Poissons, qui est celle du deuxième poisson ; et il a pour effet de vider petit à petit la doctrine chrétienne de sa substance.

Quand au présent, Jung dit dans les pensées tardives de Ma Vie à ce sujet : “La question autrefois posée par les gnostiques : “d’où vient le mal ?” n’a pas trouvé de réponse dans le monde chrétien. Et l’allusion d’Origène à une possible Rédemption du diable passa pour une hérésie.

Mais aujourd’hui la question nous assaille et nous devons fournir une réponse ; nous nous tenons là, les mains vides, étonnés et perplexes, et nous ne pouvons même pas nous rendre compte que nul mythe ne vient à notre aide alors que nous en aurions un si urgent besoin.
Certes, conséquence de la situation politique et des succès effroyables, voire démoniaques de la science, on ressent des frissons secrets, des pressentiments obscurs. Mais on ne sait que faire, et bien peu nombreux sont ceux qui en tirent la conclusion que, cette fois-ci, il y va de l’âme de l’homme oubliée depuis longtemps…”
Aux yeux de Jung, l’actuelle accumulation du mal est caractéristique des catastrophes historiques accompagnant les périodes de grandes transition d’une époque à l’autre…”

Marie-Louise von Franz, Psychothérapie, p. 169-170.

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