1. Le Cosmos
Il y a très longtemps, l’aspect sacré de la vie et le lien avec le Cosmos participaient d’un sentiment profond, naturel, partagé par de nombreux peuples premiers, puis, d’une façon quasi imperceptible, cela s’est perdu.
Depuis des siècles, un gigantesque problème trouble l’eau de l’âme : comment la voix du Féminin, si longtemps étouffée, la voix de l’âme, peut-elle être entendue dans une civilisation patriarcale — par son organisation et ses perspectives — qui repose depuis des millénaires sur l’image masculine d’un Dieu trônant à la tête des religions et d’institutions entièrement créées par les hommes et, d’autre part, sur un paradigme de clivage qui glorifie la puissance, la conquête et la maîtrise de la nature ? Réaliserons-nous que la matière et le monde sont l’expression vivante de l’esprit et que la façon dont nous traitons la nature affecte nos vies ? Comment reconnaître le caractère sacré de la Terre, celui de l’Univers, et le rôle que nous pourrions jouer dans l’ordre cosmique si nous étions de nouveau capables d’être en harmonie avec lui ?
La voix du Féminin est nécessaire pour guérir l’état de désolation, l’état actuel de la planète et les milliards d’hommes, de femmes — et surtout d’enfants — dont la vie est brisée ou détruite par la cruauté humaine, la cupidité et l’ignorance. A travers l’enjeu du changement climatique et la barbarie des conflits actuels, une ombre vieille de quatre mille ans s’approche de nous. Des siècles de conflits entre les nations, les religions et les groupes ethniques exigent que nous trouvions aujourd’hui le moyen de transcender ce modèle archaïque de comportement, faute de quoi nous risquons de détruire notre propre espèce. Sommes-nous capables d’adhérer à l’immense transformation de la conscience dont nous avons besoin pour survivre et pour construire un avenir différent pour les générations futures ?
2. La mise en garde d'Einstein
Il y a plusieurs dizaines d’années de cela, Einstein nous a prévenus : « La puissance déchaînée de l'atome a tout changé, sauf nos modes de pensées, et nous glissons vers une catastrophe sans précédent. »
3. La silhouette d’Henry Moore
In 1945 Henry Moore a peint ce tableau qui représente une foule de gens tournés vers une énorme silhouette drapée. Sous le drap et les cordes qui le maintiennent en place, se trouve une forme féminine. Son tableau, comme beaucoup de ses sculptures, annonce le réveil de l'archétype féminin dans l'âme humaine.
Au cours des soixante dernières années, des milliers de personnes ont entrepris des fouilles au niveau culturel, cherchant à découvrir ce qui a été perdu, négligé ou exclu de nos traditions religieuses. Grâce à leurs efforts nous retrouvons non seulement les traditions mystiques et chamaniques demeurées souterraines durant de longs siècles de persécution, mais aussi la mythologie et des images de la déesse oubliée. Comme le magma en fusion du centre de la Terre, l'archétype du féminin émerge en deça de notre vie consciente et se manifeste en un appel au changement radical de nos valeurs et de nos croyances, nous invitant à renouer avec la nature, l'âme, le cosmos. En conséquence, la compréhension que nous avons de nous-mêmes ainsi que notre relation avec la planète sont en train de changer. Nous commençons à ressentir de nouveau ce qui, il y a longtemps de cela, nous reliait au côté sacré de la terre et de l’univers et que nous avons perdu.
4. La Belle au Bois Dormant
Parfois, un conte de fées montre la voie.
La Belle au Bois Dormant est une histoire pour notre époque car il est urgent de renouer avec le féminin.
5. La Haie d'épines
Une haie d'épines se trouve toutefois sur le chemin, bloquant le passage. Quelle est cette haie d'épines et pourquoi est-elle si impénétrable ?
La haie d'épines représente les croyances profondément ancrées : en premier lieu, la croyance attestée par les trois religions patriarcales en un Dieu créateur qui se tient en dehors de sa création ; en second lieu, la croyance, encouragée par la science réductionniste, que nous sommes, en tant qu’êtres humains, les seuls êtres conscients dans un univers qui est mort, sans conscience, sans but ni sens.
Surmonter la haie d'épines, c'est aller au-delà de l'image d’une divinité qui n'a pas de dimension féminine, vers une autre image qui englobe la nature et toute la vie sur terre. Cela signifie s’éveiller à un monde imprégné par l’esprit. Cela signifie retrouver la conception très ancienne que l’Univers possède une âme et une intelligence, et que l'esprit est immanent ou présent dans chaque particule de matière : pierre, fleur, arbre ou brin d'herbe.
6. Le mariage sacré - Sainte-Marie-Majeure
Il n'existe aucune image du mariage sacré dans les religions patriarcales ; aucun rapport avec le féminin ; seule existe l'image d'un seul Dieu créateur masculin.
Cela signifie que les quatre principaux aspects de l'archétype féminin ont été séparés de l’Esprit : la nature, l'âme, la matière et le corps. Mais ici, dans la basilique du Ve siècle Sainte-Marie-Majeure à Rome, le Christ et la Vierge sont assis côte à côte, le soleil et la lune à leurs pieds, unifiant les deux grands principes archétypaux qui sont le fondement de toute vie.
7. Ancien des Jours - Blake
A cause de la séparation entre le Créateur et la Création, la civilisation occidentale s’est développée sur la base d'une dissociation initiale entre l'esprit et la nature. Cette dissociation a véritablement détruit l'ancienne idée de la présence de l'esprit dans le monde phénoménal et a ouvert la voie à son exploitation à outrance. L’archétype du Féminin, autrefois associé à l'image de la Grande Mère et des Grandes Déesses de l'Âge de bronze et avec l’expérience pressentie que le monde faisait partie d'un ordre cosmique sacré, a été relégué dans l'inconscient. Aujourd'hui, notre vision du monde repose sur la prémisse de notre séparation d’avec la nature et de sa maîtrise : les ressources de la planète sont pillées de façon irréfléchie pour assouvir les besoins d’un nombre d’individus sans cesse croissant.
8. La Grande Mère : trois images
de gauche à droite :
• Vénus de Laussel
• Artémis Ephesus
• Vénus de Lespugue
Le Cosmos était perçu comme la Grande Mère
du sein de laquelle émergeait toute vie.
Pour retrouver le sens perdu de l'unité et du caractère sacré de la vie, nous avons besoin de retourner bien loin dans le passé, à un moment où le Cosmos était perçu comme une Mère d’où naissait toute vie. Pendant près 25.000 ans, la Grande Mère, puis les Grandes Déesses de l'Âge de bronze personnifiaient le principe de la relation : l'interconnexion et l'interdépendance de tous les aspects de la vie — et surtout, le caractère sacré de la vie. Le Cosmos tout entier était perçu comme un être vivant. La Grande Mère est à l'origine du concept plus tardif de l'Âme du Monde en tant que matrice féminine, utérus ou toile de vie.
9. La vie une
Tout comme les étoiles apparaissaient chaque nuit dans l'obscurité du ciel, l'univers visible était né du sombre mystère de l'invisible. Tout était empli de la divinité car toute chose faisait partie d'une toile de vie qui vit, respire et relie. animée par l'esprit. L'air était sacré ; l'eau était sacrée ; les rochers, les plantes et les arbres étaient sacrés. La dimension cachée de l'esprit était présente dans chaque atome du monde manifesté. Les gens vivaient au sein d’un ordre sacré, l’Ordre de la Grande Mère.
10. Héros et Dragon
Mais, environ 2.000 ans av. Jésus-Christ, nous avons connu une époque de grand changement culturel. Le soleil, et non plus la lune, devint le principal corps céleste. Le Père tout puissant remplace la Grande Mère et, au cours des 4.000 ans suivants jusqu’à nos jours, deux mythologies immensément puissantes deviennent les principaux facteurs d'influence sur l'histoire sociale, politique et religieuse de l'Occident.
Comme l’illustre cette image du héros tuant le dragon (artiste : Gustave Moreau), le mythe qui dominera durant toute cette époque est la lutte entre la Lumière et les Ténèbres, le Bien et le Mal. Notez la femme assise à l'extrême droite.
Ce mythe est devenu un modèle pour l’homme face aux tribus ennemies et, finalement, pour la domination de la nature elle-même.
Tout au long de cette période, la guerre est devenue endémique, encouragée par des chefs militaires tournés vers le pouvoir, la conquête territoriale et la formation de vastes empires. Nous sommes toujours inconsciemment liés à ce modèle archaïque.
11. L'Expulsion du Jardin
Le second mythe très influent à cette époque est le mythe de la Chute de l'homme rapporté dans la Genèse. Nous constatons ici que l'image de Dieu est passée de la Grande Mère au Père tout puissant. Avec ce mythe, l'ancienne croyance en l'immanence de la divinité a disparu. La terre n'est plus sacrée. L'homme ne fait plus partie de l'ordre divin. Il est banni vers un monde corrompu par la Chute et soumis au péché, la souffrance et la mort.
— (artiste : Hieronymous Bosch)
12. L’Expulsion du Paradis de Michel-Ange
Interprété littéralement comme une révélation divine, ce mythe a eu, selon moi, un effet très négatif sur la psyché humaine et la civilisation occidentale dans son ensemble.
Le changement de l'imagerie archétypale qu’il reflète nous arrache de la nature — symbolisée par le jardin d'Eden — et conduit à des symptômes pathologiques qui proviennent d'un profond sentiment de dissociation, de séparation et de perte, des symptômes semblables à ceux que présente un enfant lorsqu’il perd sa mère.
Le mythe nous a donné une vision déformée de notre présence et de notre rôle sur cette terre. Il a entaché notre vision de la sexualité — en l’associant à la honte et la culpabilité. Il est responsable de la longue oppression de la femme, identifiée à Eve.
13. Picasso : La Femme qui pleure
Tout au long de cette période de 4.000 ans, la voix de la femme a été réduite au silence.
Nous pouvons imaginer sa douleur et son désespoir à travers les siècles de massacres, quand mari et fils disparaissent lors des guerres sans fin, que ses filles sont violées et réduites à l'esclavage, quand personne d'autre que les poètes et les dramaturges n’entend sa douleur impuissante et sa rage à l’idée que la vie, qu’elle a donnée, aimée et chérie, soit détruite avec tant de désinvolture par des armes de guerre.
Il est grand temps, en prenant part à ce réveil du Féminin, que les femmes disent : « Ça suffit ! Il faut mettre fin à ce massacre, au viol et à la souffrance. »
14. Les effets de ces deux Mythologies opposées
- L'archétype du féminin, associé à la nature, à l'âme, au corps et à la matière a été séparé de l’Esprit
- la pensée a été dissociée du sentiment
- la Nature et la Terre ne sont plus sacrées
- la Nature n’a effectivement plus d’âme
- l’homme a été identifié avec l'Esprit
- la femme a été identifiée avec la Nature
— la femme est devenue assujettie à l'homme, donnant lieu à la misogynie qui nous affecte toujours
- le corps a été séparé de l'esprit et l'esprit de l'âme.
A partir de 418 après Jésus-Christ, la doctrine de l’église veut que les rapports sexuels transmettent le péché originel.
Ce terrible déséquilibre se retrouve dans les mœurs et les croyances profondément ancrées de différentes sociétés. C’est la raison pour laquelle la civilisation patriarcale se caractérise par un côté déséquilibré et très majoritairement masculin. Dans la psyché, la conscience du moi — identifiée à l'archétype du héros — s’est de plus en plus éloignée de l'âme instinctive d’où elle a émergé. Au fil du temps, l’ego, démesurément enflé et tout-puissant, parvient à un complet détachement et n’a plus aucune conscience ni de lien avec cette Nature dont il s’est affranchi.
15. Le Cyclope (Odilon Redon, 1914)
Cette situation se reflète dans cette peinture du XXe siècle, Le Cyclope, où un géant borgne regarde un magnifique paysage où se trouve une femme nue.
Rien n'illustre davantage la séparation actuelle de la raison d’avec les profondeurs de l’âme.
En privilégiant le côté rationnel, nous oublions que cet esprit est issu de l’âme instinctive qui elle-même provient de la Nature et, en définitive, de l’Univers.
La civilisation, dans son ensemble, est sous l'emprise de cette conscience borgne. Le progrès technologique, le progrès scientifique, l’appât du gain, le pouvoir politique, celui des entreprises, sont devenus les objectifs suprêmes.
L'esprit humain a pratiquement pris la place de Dieu ; aucune autre dimension n’existe pour lui au-delà du monde physique, aucune conscience ne transcende la sienne.
16. Le Dragon vert
Ce dragon personnifie l'immense pouvoir de l'instinct au fond de nous par rapport au conscient, personnifié par le héros.
Ces instincts primordiaux dictent notre comportement depuis des millénaires et menacent aujourd’hui notre espèce d’extinction.
Mais ils sont aussi la source de notre extraordinaire imagination et du pouvoir créateur — un pouvoir qui peut à la fois être créateur et destructeur, divin et démoniaque, comme l’est la Nature elle-même.
Ces instincts peuvent traverser les défenses mises en place par la conscience et posséder celle-ci, nous obligeant à agir comme des prédateurs. Cette tendance existe en nous parce qu’au sein du système nerveux central, le système limbique gènère les réactions de lutte ou de fuite. Parce qu’elles sont d’un autre âge, elles peuvent facilement submerger la fragile conscience du moi. Elles peuvent également l’accabler sous forme de dépression et d'une voix intérieure critique qui peut agir comme un prédateur.
Il n'est pas bon de tuer le dragon comme ce héros tente de faire. Nous devons apprendre à établir une relation avec lui, à utiliser l'épée de la perspicacité pour entamer un dialogue, prendre conscience de l'endroit où il peut encore nous contrôler ou nous posséder de façon négative, ou bien encore d’une façon qui menace ou détruit la vie.
17. Godzilla
Avec l'image de Godzilla, le grand dragon, nous sommes confrontés à l'aspect d'ombre de notre psyché et de notre culture, et aux conséquences entraînées par les croyances et les comportements qui ont dominé notre civilisation depuis des millénaires, comme le changement climatique et les conflits barbares qui sévissent dans différentes parties du monde.
18. Psyché
Voilà à quoi ressemble la psyché d’aujourd’hui — possédée et conduite par des instincts qui sont situés hors du champ de la conscience, hors de tout contact avec les conseils qui pourraient provenir de ces mêmes instincts si seulement nous les écoutions.
19. CG Jung
Jung écrit que « Cette conscience déracinée ne peut plus jamais invoquer l’autorité des images premières ; elle témoigne d’une liberté prométhéenne, mais aussi d’une hybris sans Dieu » avec l'affirmation que « rien n'est plus grand que l'homme et ses actes. » (CG Jung, Commentaires sur le mystère de la Fleur d'or)
« Des forces divines sont passées entre nos mains, nos fragiles mains humaines. C'est à peine imaginable. Certes, il s'agit de pouvoirs qui ne sont pas mauvais en soi, mais entre les mains de l'homme, capable de faire le mal, ils représentent un danger terrible. » (CG Jung, Psychologie et orientalisme)
20 Explosion nucléaire
Avec la fission nucléaire, nous avons entre nos mains un terrible pouvoir, un pouvoir qu’en aucun cas nous ne sommes moralement préparés à détenir. La croyance qui nous fait voir la matière comme « morte » plutôt que vivante et habitée par l’esprit, nous a fait diviser l'atome et développer une dangereuse technologie — qui déverse sur la terre des résidus mortels occasionnés par la radioactivité avec ses quelque 2 000 explosions nucléaires et des déchets de plutonium provenant des réacteurs nucléaires ; certains éléments demeurent actifs plus de 500 millions d'années. Cela nous a permis de créer encore plus d’armes démoniaques avec lesquelles nous entretenons notre adiction à la guerre. Cela a donné un pouvoir terrifiant à des ennemis potentiels. Du point de vue des grands maîtres spirituels de l'humanité, cette technologie est vraiment démoniaque.
21 Collins : Déesse et Terre
Que signifie le mot « Féminin » ? Comme je l'ai défini dans mon livre, The Dream of the Cosmos, le « Féminin » est synonyme d’âme : la toile cosmique invisible de la vie qui relie chacun de nous à tous les autres, ainsi qu’à la vie de la terre et, dans une plus large mesure, du cosmos. Cela englobe la reconnaissance que nous vivons au sein d’un ordre sacré et que nous avons la responsabilité de protéger la vie de la planète et toutes les formes de vie qu’elle contient, au lieu de les exploiter pour notre seul bénéfice. Le « Féminin » offre une perspective tout à fait différente de la vie, un paradigme, une vision du monde totalement autre ainsi que des valeurs de sentiment qui pourraient refléter et nourrir cette vision du monde. Il représente une nouvelle conscience planétaire et la difficile naissance d'un nouveau type de civilisation fondée sur le respect de la planète, et au service de celle-ci.
L’éveil au Féminin nous invite à écouter la voix longtemps ignorée de l'âme qui s’exprime sous le seuil de la conscience — à travers les rêves et les visions, à travers l’instinct ou l’intuition, ou les maladies et dépressions qui nous affligent. L'âme s’exprime essentiellement par le cœur, à travers nos sentiments les plus profonds, souvent ignorés et réprimés dans notre culture pétrie de contrôle et de superficialité.
22. La Terre vue de la Lune
Quels ont été les éléments déclencheurs de l'éveil au Féminin ? A mon avis, le principal déclencheur a été la publication du livre de Rachel Carson, Silent Spring, en 1992. Le deuxième élément déclencheur a été le voyage des astronautes sur la Lune, en juillet 1969, qui nous a offert une vue à couper le souffle, celle de la Terre vue de l'espace. Cinq cents millions de personnes ont regardé l'alunissage d’Apollo et ont entendu les célèbres paroles de Neil Armstrong. En l'espace de quelques heures, notre vision planétaire s’est élargie à une vision cosmique. Le fait que ce soit la Lune qui ait été explorée — symbole séculaire de la Grande Mère, du Féminin et de l'âme — est en soi significatif. Mais c'était la vue de notre planète depuis la lune qui nous a soulevés au-delà de l’appartenance à la nation, et qui a ouvert notre conscience au sentiment d'appartenance au cosmos étoilé. L’amour pour notre planète bleue s’est éveillé dans nos cœurs en entrevoyant sa beauté, à l’image d’un joyau et nous savions que, dans l'immensité de l’Univers, elle était notre demeure.
Tandis qu’il revenait d’un autre voyage sur la lune, L'astronaute Edgar Mitchell, en voyant la Terre depuis l’espace, a réalisé que sa vue de la Terre était un aperçu de la divinité. « En contemplant les 240 000 miles d’espace empli d’étoiles et la planète d’où je venais, j'ai soudain perçu l'Univers comme intelligent, aimant, harmonieux. »
23. Le Cosmos et la Terre
Après des milliards d’années, l'énergie créatrice de la vie a évolué en une forme, la planète Terre, et une conscience — la nôtre — qui se développe lentement vers la reconnaissance de son sol et de la source.
Pourtant, parce que nous avons perdu toute trace du Féminin sacré, nous ignorons que les physiciens, qui étudient les plus infimes nuances de la matière, découvrent ce que les explorateurs émerveillés de l'Arbre de Vie dans la Kabbale nommait le Visage et la Gloire de Dieu, et que l'univers que nous explorons avec le télescope Hubble est le revêtement extérieur ou un voile qui recouvre une incroyable toile faite de connections lumineuses et invisibles. Nous devons élargir notre concept de l'âme afin embrasser la vie intérieure de l'univers et reconnaître qu'il est vivant, conscient et qu’il est le lieu éternel de notre propre conscience.
24. Définition de l'âme
L' âme ou l’Anima Mundi est la mer cosmique de l'Être ou la Toile de la Vie qui sous-tend la réalité physique. L’âme est la source ou la matrice de la conscience : l'Invisible Grande Mère que l’on appelle Sophia, la Sagesse Divine, la Shekinah, le Saint-Esprit. L'âme n’est pas seulement en nous, elle nous contient. Notre corps physique et notre cerveau sont le véhicule de l'âme dans cette dimension de la réalité.
25. L’Annonciation
De nos jours, le difficile processus de l'annonciation et de la naissance se déroule dans l'âme de l’humanité. Une nouvelle cosmologie est en train de naître, une nouvelle vision, une relation profonde avec un univers intelligent, conscient. Un nouveau consensus voit le jour parmi un nombre croissant de scientifiques : la conscience cosmique, et non la matière, est l’aspect principal de la réalité et de notre conscience. Ce nouveau paradigme, qui va de pair avec le renforcement du mouvement environnemental, laisse espérer que nous pourrons libérer la planète de notre comportement de prédateur, de l'exploitation et de nos croyances déficientes suffisamment tôt pour éviter le risque de destruction de millions d'espèces, mais également de la nôtre. Il nous invite à reconnaître que nous avons un rôle à jouer envers la planète et, finalement, envers le Cosmos, à connaître notre nature profonde comme des êtres universels que nous sommes, incarnés dans un but, conscients de notre unité fondamentale et de la relation à l'autre et à toute la vie planétaire.
26. Tableau de Bosch
« Rien n’est plus important pour notre bien-être que de savoir que, quand nous mourons, nous entrons dans une autre réalité qui est aussi réelle et vivante que la nôtre. La conscience ne disparaît pas avec le corps : elle est éternelle. » (Elisabeth Kübler-Ross) C’est une autre conséquence de l'éveil au féminin. A travers l'expérience de mort imminente racontée par tant de personnes, nous avons connaissance de la survie après la mort du corps physique, de l'immortalité de l’âme, de l'existence du corps subtil que nous habitons après notre mort. Cela tend à démonter la barrière érigée par la science réductionniste quand elle affirme de façon insistante qu'il n'existe qu'une réalité tangible et que la mort du cerveau est la fin de la conscience.
Les traditions métaphysiques de l'Est et de l'Ouest ont longtemps enseigné que nous évoluons dans des domaines subtils de la réalité qui ne sont ni perceptibles à un niveau de conscience « normal » ni aux instruments scientifiques d’aujourd’hui Nous ne voyons que 4% de l'univers. Que contiennent les 96 % qui restent ? Ces traditions nous disent que nos vies font partie d’une toile cosmique dont les fils nous relient non seulement avec de nombreuses dimensions, mais avec une multitude d’êtres peuplant ces dimensions. Par delà les limites actuelles de notre perception, un champ illimité de conscience interagit avec la nôtre.
Ces traditions nous disent que l’immense chaîne des générations émane d’un lieu divin, vers notre monde — le niveau le plus dense de la manifestation physique.
27. Bouddha et le Christ sortant de son tombeau
Deux des plus grands maîtres de l'humanité nous ont appris comment dépasser consciemment nos instincts primaires, symbolisés ici par le grand serpent dont les sept têtes protègent le Bouddha assis sur ses anneaux, et par la figure du Christ sortant du tombeau. Ils n’appelaient ni à la croyance ni au culte, mais à la transformation de la conscience humaine encore prisonnière des instincts primordiaux, jusqu’à ce même stade d'éveil révêlé par leur exemple.
28. Les plus hautes qualités de l’âme et du Féminin sacré
• Sagesse, compassion, amour, justice, beauté et harmonie
• Tendance naturelle à guérir, nourrir, protéger, chérir
Ce sont là des valeurs du Cœur.
L’éveil au Féminin signifie protéger l’ensemble de la création ; la mort de tout ce qui engendre la division, envers la vie ou les autres ; la naissance d’un regard tout à fait différent sur la réalité.
Guérir le cœur blessé de l'humanité signifie chérir dans tous les sens du terme : chérir nos propres vies qui ont du sens et de la valeur ; chérir le temps qui nous est donné afin de découvrir le véritable propos de notre vie et qui nous sommes vraiment ; chérir le corps, depuis si longtemps objet de sacrifice en temps de guerre ; chérir la vie des personnes dont nous devons prendre soin ; chérir la vie de la terre, le domaine le plus important de nos efforts. L’Amour nous invite à prendre soin, il nous invite à la sagesse, la douceur et la compréhension, mais aussi à la force, au pouvoir et à l'intelligence utilisés en faveur de la planète et de toute la vie qui s’y trouve.
29. La Mère de la Miséricorde
L’influence du Féminin se fait sentir dans la croissance rapide du mouvement pour l’environnement ; dans la volonté de libérer de l’oppression les femmes de toutes les cultures ; dans les nouvelles méthodes de guérison qui tiennent compte à la fois de l’âme et du corps. Elle se reflète dans le dégoût que nous avons pour les ventes d'armes et les armes de destruction massive et les ignobles carnages engendrés par les guerres ; la profanation délibérée du miracle de la vie et du corps humain et les victimes impuissantes que tout cela génère. Elle se reflète dans l’engagement de centaines de milliers de personnes partout dans le monde qui viennent à la fois en aide à la planète et au millions de personnes victimes de notre cruauté et de notre avidité. Son influence se fait sentir grâce à Internet et nous rassemble pour changer les attitudes qui ont prévalu pendant des millénaires, et signer par exemple des pétitions en ligne en vue d’excercer un changement radical.
30. Le Couronnement de la Vierge
Notre époque invite au mariage des deux grands principes archétypiques représentés par le Christ et sa Mère, et la naissance de l’« enfant » — une nouvelle conscience éclairée qui s’éveille dans l'âme de l’humanité, et qui serait le fruit de cette union ainsi que le véritable « sauveur » de notre espèce.
Au début d’un nouvel aéon, nous participons à la naissance d'une nouvelle ère avec des objectifs et des valeurs radicalement différents de ceux qui ont dominé l'ère patriarcale. Il y a d'immenses possibilités dans cette période de transformation, mais aussi d'immenses dangers, parce que cette même puissance transformatrice du Féminin active une profonde peur du changement. Cette peur génère à la fois du déni et de fortes réactions qui tendent à réaffirmer ou à maintenir le contrôle. Nous marchons sur le fil du rasoir entre, d’une part, l'intégration consciente d'un nouveau regard et, d’autre part, la régression vers la barbarie — peut-être même l'anéantissement virtuel de notre espèce.
31. L’univers et le cœur
Nous sommes tous engagés dans un processus de transformation qui se manifeste sous la forme d’une nouvelle conscience planétaire qui reconnaît l'interconnexion et l'interdépendance de tous les aspects de la vie — et que nous faisons tous partie de la grande toile invisible de la vie. La célébration arrogante de la « conquête de la nature par l’homme » est peu à peu remplacée par la prise de conscience que nous devons respecter, préserver et chérir la vie planétaire dont nous faisons partie.
Tandis que cette profonde impulsion de l’âme prend de l'ampleur, le « mariage » de notre esprit rationnel et de notre âme longtemps négligée modifie notre perception de la réalité. Et cela nous donne de l’espoir pour l’avenir.
Si nous pouvions retrouver les valeurs intrinsèques des cultures autochtones, dont la conscience est restée proche de la Grande Mère, sans perdre l’inestimable évolution de l’ego, avec toutes les découvertes que nous avons faites et les compétences que nous avons développées, nous pourrions guérir à la fois notre âme déchirée et notre planète violée et vandalisée.
C’est une époque où l’on nous demande, comme le fait T. S. Eliot dans son poème Mercredi des Cendres :
Rachète le temps.
Rachète la vision indéchiffrée
Du plus haut rêve.
C’est une époque extraordinairement passionnante, pleine de défis et de créativité.
Traduction : Michèle Le Clech
by courtesy of Anne Baring.
site internet
Anne Baring, Awakening to the Feminine,
Synchronicity, Matter & Psyche Symposium, septembre 2014
Les traductions sont mises à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution
Voir également la traduction française du chaptitre 10 de son livre : The Dream of the Cosmos: a Quest for the Soul.
Les lecteurs anglophones trouveront de nombreux textes sur le site internet d’Anne Baring ainsi que deux interviews par Andrew Harvey à propos de son dernier livre The Dream of the Cosmos: a Quest for the Soul.
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À propos de » 5. La Haie d’épines « , je crois me rappeler que Marie-Louise von Franz en parle quelque part comme des aspects piquants de l’animus négatif d’une femme qui peuvent blesser et repousser tout homme qui s’approche de ces épines.
Les deux façons d’envisager et de comprendre cette haie d’épines ne s’opposent sans doute pas mais se complètent. La non reconnaissance du Féminin, son quasi bannissement hors du monde qui a si longtemps interdit à tant de femmes de se réaliser suffisamment ou pleinement en tant que femmes a créé de nombreux animus-haies d’épines contre lesquels se sont déchirés bien des hommes : dans l’échange avec les femmes, mais aussi peut-être dans l’échange avec eux-mêmes car cet aspect destructeur du masculin existe aussi chez l’homme, comme une sorte d’animus de l’anima d’un homme, si l’on peut le dire ainsi…