Pour pouvoir nous trouver nous-mêmes, il nous faut absolument une chrysalide. Et pourtant, notre société extravertie accorde peu de place à la contemplation introvertie. Nous sommes censés être des gens d’action, au service des autres, se dévouant pour de bonnes causes ; nous nous devons d’être généreux, énergiques, fidèles au devoir social.
Si nous choisissons d’être, ceux que nous aimons risquent, par réflexe, de s’imaginer que nous ne faisons rien. Il se peut même qu’au début nous partagions nous-mêmes cette impression. Nous commençons à regarder la boue primitive qui fait surface dans nos rêves. C’est le chaos. Nous nous demandons à quoi ça sert d’aller fouiller au fond, pour ne soulever que de la vase. Un débat intérieur s’amorce en nous : « Je devrais être en train de faire quelque chose d’utile. Mais, en vérité, je ne peux rien faire d’utile s’il n’y a pas de moi pour le faire. Je ne peux aimer personne d’autre s’il n’y a pas de moi pour aimer. Si je ne me connais pas moi-même, je ne peux pas m’aimer ; et si je ne m’aime pas, l’amour que je porte aux autres n’est probablement qu’une projection de mon besoin d’être accepté. Je joue un rôle afin d’être aimé. Je crains le rejet. Si personne ne m’aime, je n’existerai plus. Mais qui aiment-ils au juste ? Qui suis-je ? »
Et voilà pourquoi nous entrons dans la chrysalide : pour subir une métamorphose qui nous permettra d’être un jour capable de nous lever et de dire Je suis.
— Marion Woodman, La Vierge enceinte – Un processus de transformation psychologique