« Notre monde actuel se caractérise par l’étonnante fascination que suscite l’archétype de la mère, c’est-à-dire l’inconscient maternel. La stérilité spirituelle de notre monde conscient, son intellectualisme unilatéral et son rationalisme poussent de très nombreuses personnes vers « la recherche d’un changement » dans l’inconscient.
Leur aspiration, c’est d’entrer en contact avec les couches les plus profondes de l’inconscient pour être transformées et renouvelées sur le plan spirituel. Mais la manière d’atteindre ces profondeurs n’est pas simplement — comme beaucoup le pensent — une absence de retenue, même si ‘se laisser, s’oublier soi-même’, tel que Maître Eckhart le décrit, peut parfois accompagner cette démarche.
Il s’agit plutôt de se soumettre à une loi intérieure qui semble a priori étrangère. L’inconscient exige des sacrifices dont la nature dépend toujours de la situation et des gens concernés : l’un doit peut-être sacrifier ses pulsions instinctives et l’autre son emprisonnement dans les conventions, sa respectabilité ou sa suffisance. Ou bien l’un doit sacrifier son besoin d’action exagéré et l’autre sa paresse, etc.
De nombreuses personnes rebutées par l’utilitarisme de notre époque et par la rationalité égoïste de notre monde conscient cherchent aujourd’hui le contact avec l’inconscient dans l’ivresse, l’extase ou une sexualité sans retenue. Ils ressemblent aux Corybantes, les prêtres extatiques de la grande déesse mère Cybèle. En état d’ivresse, on peut faire l’expérience de l’inconscient mais, de manière paradoxale, on a besoin d’une très grande lucidité pour pouvoir vraiment tirer profit de ses valeurs : celui qui est submergé par l’inconscient ne peut donc pas intégrer ses valeurs dans sa conscience. »
— Marie-Louise von Franz, La Mère dans les contes de fées, p. 338