« La nuit apporte à ceux qui rêvent une enchantement particulier, une joie du cœur, une légèreté de l’âme que le jour nous ne connaissons pas.
Le rêve, aussi doux que le miel qui fond dans la bouche, est l’enchanteur qui nous délivre du destin.
Grâce à lui, nous connaissons la liberté, non pas celle du dictateur qui impose au monde sa volonté, mais celle de l’artiste libéré de vouloir.
Le bonheur de rêver ne tient pas à ce qu’on rêve, mais au jeu facile d’événements qui n’exigent aucun effort de notre part. Les paysages se déroulent d’eux-mêmes, les perspectives et les couleurs se succèdent, les voies, les demeures s’ouvrent devant nous ; des étrangers, qui ne sont ni amis ni ennemis, paraissent et disparaissent sans que nous leur fassions ni bien ni mal. La fuite et la poursuite si fréquentes dans les rêves sont, elles aussi, enivrantes.
Toutes les paroles que nous prononçons, toutes celles que nous entendons sont profondes, spirituelles. Si elles nous revenaient à l’esprit, dans la journée, peut-être nous paraîtraient-elles fanées et dépourvues de sens, c’est parce qu’elles appartiennent à un autre monde.
Mais la volupté du rêve c’est cette liberté qui vous pénètre comme la lumière ou l’air des sommets, qui répand en vous une joie surhumaine. Le rêveur est l’élu, l’être comblé. »
— La Ferme Africaine, Karen Blixen