Extrait :
Pendant des années, j’ai eu peur. Surtout de l’avenir. J »ai longtemps été une scénariste d’anticipation négative très inspirée. Imaginer le pire, pour se prémunir du pire. Envisager l’échec, avant même qu’il ne se présente. Recevoir un coup de fil et en un instant, voir défiler une série de catastrophes. Se rendre à un entretien ou à un concours et penser, ça ne marchera pas. L’enfer, n’existe pas en dehors de nous. Il est bâti à partir du fertile terreau de nos angoisses.
Quand je m’engageais dans des actions qui me plaisaient à l’issue incertaine, comme le sont par essence, toutes les actions nouvelles, j’entendais aussitôt une voix qui me disait : » Tu n’y arriveras pas. Calme tes ardeurs. Sois raisonnable. On ne fait pas toujours ce qu’on veut dans la vie. Peut-être devrais-tu voir moins grand. Arrête de rêver. C’est pas gagné « . Docile, j’écoutais alors la voix de la peur et cela me conduisait à la paralysie. Surtout ne pas bouger. Surtout faire comme tout le monde. Ne pas rêver trop grand. Eviter la souffrance de la désillusion. Surtout ne rien tenter de nouveau. On ne sait jamais, on pourrait se faire mal, me disait cette voix. On pourrait faire une demande et être rejeté. On pourrait faire confiance à quelqu’un et être trahi. On pourrait aimer et ne pas être aimé en retour. On pourrait se dévoiler et être piétiné. On pourrait surtout se tromper.Et ça ne se fait pas de se tromper. Mieux vaut donc ne rien tenter. C’est plus prudent.