Vera Bührmann: Living in Two Worlds

Carnets de rêvesCitations, Edition 4 Comments

Suite à la projection du film Journey into Wilderness et à la conférence sur les rêves, donnée l'an dernier par Peter Ammann à Paris, j'ai poursuivi mon petit tour d’horizon des livres de langue anglaise sur les rêves et le monde intérieur.
Sur le site de Peter Ammann — peter-ammann.ch — j’ai découvert le livre de Vera Bührmann, Living in Two Worlds : Communication Between a White Healer and Her Black Counterparts, paru en 1984. Naturellement, un tel titre ne pouvait me laisser indifférente et j’ai aussitôt passé commande.
Ce livre s’adresse à tous ceux qui s’intéressent à l’âme, à ses fondements et à la façon dont d’autres cultures appréhendent et donnent sens à ses manifestations.

Après avoir rencontré un groupe de guérisseurs africains, les Xhosa amagqira, Vera Bührmann décrit dans son livre un monde qui paraîtra particulièrement familier à ceux qui ont entrepris une analyse jungienne. Elle nous permet aussi de mesurer l’écart entre ce qui se passe dans le cabinet d’un analyste et l’énergie puissante, générée par un groupe, qui saisit et transforme les attitudes, les sentiments et l’optique de chacun des participants.
Au fil des pages, nous comprenons pourquoi, alors qu’elle était supposée y passer trois semaines en tant que psychiatre — sollicitée pour évaluer l’état mental de certains guérisseurs —, elle s’est trouvée comme « ensorcelée », appelée à entreprendre un travail de recherche pour comprendre et leurs méthodes de guérison et les raisons pour lesquelles elle se sentait si remuée.
La première observation, et différence notoire, a été de constater qu’en matière de soins, alors que les Occidentaux « parlent de », tout est ici « mis en scène » à travers la danse, le chant, le tambour, les rituels.
Vera Bührmann a tenté de s’ouvrir, de tout son être ; elle s’est laissée toucher par l’aspect numineux des cérémonies auxquelles elle a assisté et s’est appliquée à retranscrire, simplement, ce qu’elle a expérimenté. Ce n’est que dans un second temps qu’elle a ordonné les matériaux, créant un pont entre deux visions du monde : celle des Occidentaux, rationnelle, intellectuelle, technologique — et davantage centrée sur l’ego —, et celle des guérisseurs Xhosa, « non rationnelle », intuitive, tournée vers les symboles et les images, et inscrite dans la communauté.
Un chapitre entier est consacré aux rêves. Extrait :

— Mongesi Tiso : S’ils ne rêvent pas, je ne peux pas traiter leurs problèmes.
Vera Bührmann : Les paroles de M. Tiso ont aussitôt tissé un lien entre nous. Je l’ai vu comme un collègue et j’étais très désireuse de découvrir comment il appréhendait les rêves et de savoir pourquoi ils étaient si essentiels.

Ce livre offre au lecteur une meilleure compréhension des méthodes thérapeutiques, pleines de sens et opérantes, de ces guérisseurs sud-africains, qui s’adressent, dans une plus large mesure, à la partie inconsciente de l’être. L’auteure n’oublie pas de souligner par ailleurs le risque de désintégration encouru par l’esprit occidental, tant le monde de l’inconscient collectif (bien plus ancien, archaïque et plein de paradoxes) s’oppose au conscient et à son mode de fonctionnement discriminatoire.
On y retrouvera les thèmes chers à Jung comme l’attitude qui permet à l’inconscient de s’exprimer sans que l’ego interfère, l’équilibre entre le rationnel et le non rationnel, l’importance primordiale accordée aux rêves et à leur compréhension, l’union du corps et de l’esprit.


Extrait du film de Peter Amman

Comments 4

  1. Sans doute la différence fondamentale entre les guérisseurs africains et nous consiste en ce qu’ils abordent le territoire de l’inconscient avec tout leur être (y compris leur corps…) et que nous autres occidentaux, l’abordons la plupart du temps par l’intellect, la réflexion, l’analyse, le langage…

    C’est un peu comme si nous nous limitions aux mots…tandis qu’eux sont dans les faits, les actes…
    Nous savons peut-être « lire la carte » de l’inconscient…mais eux font le « voyage » pour de vrai…ils le vivent.

    1. Post
      Author
  2. Pingback: L’os creux | Carnets de rêves

  3. Pingback: L’os creux | Carnets de rêves

Répondre à La LicorneAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.