La terre rocailleuse

MicheleHumeur du jour

Des paysages arides, désertiques, rocailleux, inhospitaliers, apparaissent parfois dans les rêves.
Ils traduisent bien l’impression de sécheresse que l’on ressent, l’impression que rien de bon ne sortira du désert de notre vie, qu’il n’y a pas de lyse à la situation que nous traversons ou pas d’espoir face à la désolation, la solitude, l’impression de perdition. Pourtant, si l’on accepte d’aborder ces contrées, la nouveauté se présente au moment où l’on s’y attend le moins.

Je me souviens d’une randonnée à Gleninchaquin (Kenmare, Ring of Kerry, Ireland), un site naturel cerné par une chaîne de montagnes. Le chemin qui y mène, caillouteux, sinueux, court sur des kilomètres, traversant des zones arides, presque inhospitalières. Il est si étroit par endroits et la visibilité si réduite parfois, que l’on ne peut s’empêcher de penser avec une pointe d’inquiétude à ce qui pourrait surgir au prochain tournant. Mais surtout, il semble ne mener nulle part, effritant petit à petit patience et confiance.
Comme un encouragement, un premier lac s’offre cependant au regard au détour d’un virage. Du ponton, semblant provenir de la forêt épaisse, un quelque chose de sauvage, d’indéfinissable, happe la voyageuse. Elle ne le sait pas encore mais, de charme en charme, dame Nature prépare un sortilège.
C’est au sortir d’un virage qu’elle vous ensorcelle : à la terre rocailleuse, poussiéreuse, succède un paysage qui vous coupe le souffle.
Ecrin.
C’est le mot qui vient tandis que les yeux découvrent et embrassent une verte prairie, d’un vert jamais encore vu, bordée d’un petit mur de pierres et entourée de montagnes sombres.
Des moutons y paissent paisiblement.
Des agneaux gambadent,
Blancs, noirs.
De la montagne là-haut s’élance une cascade dont la blancheur tranche sur la pierre sombre.
Une étrange paix règne en ces lieux.
Un soupçon de magie flotte dans l’air.
Si l’on parvient à s’arracher à la contemplation de la prairie, extraordinaire, envoûtant joyau vert, et que l’on arpente le sentier qui serpente dans la montage, on s’élève au dessus de la vallée et des lacs, des paysages à perte de vue. De temps à autre cependant, à travers branches, l’on ne peut s’empêcher de baisser le regard vers la prairie, cœur d’émeraude dont la beauté fait jaillir les larmes au bord des cils. Les moutons, minuscules tout à coup, renvoient à la petitesse, à la fragilité, à la précarité de la vie, en même temps qu’ils soulignent la majesté de la Terre qui vous porte et vous nourrit. Et le cœur soudain tressaille, tandis que le délicat parfum de l'éternité se répand alentour.

— © Michele Le Clech