Gardien du temple

MicheleArticle, Humeur du jour

— Avez-vous un rêve ? me demanda-t-il après les politesses d’usage.
J’étais là pour ça, et racontai volontiers celui, bien intrigant, que j’avais choisi et traduit pour cette toute première séance.
Il écouta attentivement, comme recueilli.
— En avez-vous un autre ? demanda-t-il doucement.
Surprise, je répondis par l’affirmative et me mis à fouiller dans mes notes, me demandant si mon anglais suivrait. Tout en cherchant, il me vint intuitivement à l’esprit que le rêve que je venais de raconter sonnait comme un message à son attention, et j’avais le sentiment profond qu’il concernait quelqu’un d’autre que moi, quand bien même il pouvait aussi avoir du sens pour moi. Quand je relevai la tête, quelque chose dans son attitude me fit penser que le message avait été reçu.
J’optais finalement pour un rêve relativement récent que j'aimais particulièrement. 
— Un troisième ? 
Vraiment très surprise, je choisis le plus récent, un rêve impressionnant qui contenait un symbole shamanique très particulier (on était là sur son terrain de jeu), tout en me demandant comment tout cela pourrait tenir dans l’intervalle d’une heure.
Avant toute chose, dit-il fermement de sa voix chaude et grave, il vous faut mettre un gardien devant votre porte.
Silence.
Désorientée par son ton de voix et le côté plutôt solennel de ce qu’il venait de dire, incapable de faire des liens avec les rêves que je venais de raconter, j’entrai de plain-pied dans l’expérience et laissai d’autres images se présenter d’elles-mêmes.
Mon côté rationnel venait de lâcher prise. Je savais qu'il reviendrait en temps voulu mais le silence, "là-haut", était impressionnant.
En attendant, les images qui montaient à présent de la profondeur résonnaient avec ce que je venais d'entendre. Il était plus que temps, en effet.
Il restait silencieux, juste le temps dont j’avais besoin, comme s’il avait accès à ce qui se passait à l’intérieur de moi. Et je le retrouvais, présent, exactement à l’endroit où je me tenais.
Le temps venait de s’étirer, et j’appréciais chaque seconde, chaque particule pleine de vide d’un espace que je percevais comme sacré.
Tout en descendant les énormes marches de pierres plates qui me ramenaient vers le gîte que j'avais loué, je réalisais seulement après coup que mon analyste m'avait, avec cette simple phrase et en l'espace d'une heure, permis de vivre mes trois rêves, très concrètement.

Dans un autre registre, et pour toutes celles qui rêvent de gardiens de la paix, particulièrement après une sortie de bain ou des moments de repos, voici un rêve, cité par Anne Scott (1) :

Un maître me fait goûter la sérénité.
Et je la perds en me préoccupant de certaines choses, en étant trop occupée ou dépassée par les événements de la vie.
Il me dit qu’il me faut devenir guerrier, un guerrier qui protège la sérénité.
Et il me tend une épée.

© Michèle Le Clech

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(1) Anne Scott, Women, Wisdom & Dreams: The Light of the Feminine Soul, Nicasio Press, 2008.