La ronde des contraires

Carnets de rêvesHumeur du jour 5 Comments

YinYangFish.jpgSur terre rien n’est éternité
si ce n’est le mouvement, le temps qui fuit.

Même le plus bel été veut voir une fois la nature qui se fane, l’automne qui vient.
Reste tranquille, feuille, garde ton sang-froid
Lorsque le vent veut t’enlever au loin.
Poursuis tes jeux et ne te défends pas,
Laisse les choses advenir sans heurts,
Laisse enfin le vent qui te détacha te conduire jusqu’à ta demeure
(1).

Lorsqu’on adhère véritablement à ce qui est — la réalité fût-elle des plus sombres —, les opposés se répondent. Une touchante marque de confiance survient de l’extérieur au moment où, à l’intérieur, règne un doute des plus profonds, un moment de légèreté nous est offert tandis que la pesanteur s’est installée dans notre vie, même l’improbable, voire l’impossible, se matérialisent, se concrétisent soudain, comme un rêve devenu réalité…

Le voyageur de l’âme ne lasse pas de s’émerveiller. Plus il renonce à lutter contre, à garder le cap, à contrôler ou à vouloir que les choses aillent à son idée — plus il répond présent à ce qui est, plus il accueille —, plus il devient enfant de la Nature, théâtre de ses incessantes transformations, réceptacle de ses bienfaits et de ses merveilles, conscient que les saisons feront leur œuvre, même en le dépouillant un jour de ce qu’il chérit le plus au monde. Il sourira même plus tard en repensant aux lamentations ou aux protestations qui l’habitaient sur le moment : regardant en arrière, il peut voir comment tout cela l’a aidé quand il manquait d’honnêteté et de courage.

Un coup d’œil vers le passé lui suffit pour voir comment, de temps à autre, la Nature, le temps, les circonstances s’arment pour faire table rase : ici un amour arraché, là des passions, des intentions, des envies disparues, ailleurs des savoir-faire qui ne sont plus… et plus rien ne subsiste parfois que le vide immense, terrible, à vous glacer le sang ou vous donner le vertige, à l’image d’un abime qui menacerait de vous engloutir.
Comment vivre au milieu des autres et se sentir parfois si seul ?
Que « faire » de l’insoutenable ennui ?
Chaque fois pourtant, puisque tel est son sort, le voyageur acceptera l’inconfortable.
Ainsi soit-il…

Parfois, il ne sait plus que l’aurore naît au cœur de la nuit, il ne sait pas encore que le terrible ennui contient un germe de vie, il a même oublié que la mort conduit dans les bras de l’Amour.

— © Michèle Le Clech

(1) Hermann Hesse, « Feuilles mortes » in Éloge de la vieillesse, Paris, 2000.

Comments 5

  1. Merci Michèle pour ce rappel et ce beau texte. La dernière phrase est saisissante ! Je crois y entendre une invitation à danser…

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  2. je crois que dans ces moments là, peut être suffit il de faire quelque chose dont on ne se croit pas capable, à laisser parler la fantaisie qui sommeille en chacun de nous et à notre vérité du moment…

  3. Merci de ce texte profond que je reçois au bon moment. Se laisser faire,se laisser conduire, accepter pour revivre.
    Cordialement

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