Maison hantée

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Il y a des moments où l’inconscient menace de nous submerger et, pour autant, nous ne prenons pas la peine de nous tourner vers lui.
Il offre alors un visage malfaisant que nous tentons de fuir, ici en plongeant dans le travail, là en nous illusionnant à propos d’un grand amour, ici en multipliant les soirées, ou là encore en consommant force drogues ou médicaments.
Et nous croyons que, parce que nous nions la réalité, elle n’existe plus pour nous — et qu’elle n’existe pas non plus pour ceux qui nous entourent.

C’est là que nous nous fourvoyons, car l’atmosphère dans laquelle nous baignons est parfois si chargée que la maison toute entière en est imprégnée, comme hantée, obligeant les autre membres de la maisonnée à tremper dans quelque chose de si difficile que les plus perméables en sont contaminés.

En tournant le dos à ce qui nous habite, nous obligeons les autres à faire face à quelque chose qui ne leur appartient pas — et qui leur demande parfois une vigilance de tous les instants.
Et lorsque, pour se protéger, ils s’éloignent de nous pour un instant (ou définitivement) nous n’avons parfois que jugement à leur offrir, ne voyant pas qu’ils reflètent notre propre éloignement — ou pire, la séparation  — d’avec nous-mêmes.
Ils sont peut-être simplement heureux en leur propre compagnie… et peut-être faudrait-il que nous ayons davantage de compassion, envers nous-mêmes pour commencer.

Nous avons beau essayer de masquer la souffrance, nos paroles sont teintées d’encre noire et l’eau de la tristesse se répand à la cave, nous pouvons bien nier la rage, elle jaillit dans les claquements de porte, se déverse sur les autres dans des critiques acerbes ou par un silence glacial, quand elle ne menace pas de se retourner contre nous, tailladant nos plus beaux états d’âme.
Nous pouvons adopter une attitude qui se veut détendue, le stress et les tensions sautent aux yeux de celui qui sait lire, ou atteint dans son propre corps celui dont l’empathie est trop exacerbée ou dont le moi est encore en construction, perturbant son sommeil et son rythme de vie.
De même, certains des désirs brûlants qui reflètent nos plus belles aspirations à la créativité, à la spiritualité ou tout simplement à faire un avec nous, restent parfois projetés sur le mauvais partenaire ou se dirigent vers la mauvaise chambre à coucher.

[…] j’ai compris qu’un homme peut s’identifier complètement avec sa persona au détriment de sa femme en la chargeant de tous les éléments pénibles qui lui sont propres et qu’il voudrait rejeter.CG Jung

Dans L’Âme et la vie, Jung écrit :
Je fis une fois la connaissance d’un homme digne en tout point de respect — on aurait même pu parler de sainteté à son sujet.
Je me promenais trois jours en sa compagnie, sans pouvoir lui trouver le moindre défaut. Je commençais à souffrir réellement de mon infériorité, lorsque tout à coup, la femme du saint vint à une de mes consultations…
Depuis ce jour, je ne me suis plus laissé prendre aux apparences de la sainteté ; car j’ai compris qu’un homme peut s’identifier complètement avec sa persona au détriment de sa femme en la chargeant de tous les éléments pénibles qui lui sont propres et qu’il voudrait rejeter. La femme, souvent, n’est pas consciente de ce transfert, mais il n’en demeure pas moins vrai qu’une grave névrose est le prix de ce sacrifice d’elle-même.

Dans certains cas, c’est notre propre enfant qui est tenu de vivre les choses à notre place. Le meunier qui croit vendre son âme au diable sans voir que c’est sa propre fille qu’il vient de lui céder n’est pas qu’un conte de fée. Et dans ces contes, l’enfant est le héros ou l’héroïne dont la tâche sera de se libérer seul(e) du sort qui pèse sur lui.
Choisissons plutôt de faire face à nos propres diables, outre la paix qu’on en retirera, on évitera bien des tourments à ceux qui nous entourent et la génération suivante ne sera pas tenue de liquider un héritage dont elle n’aurait malheureusement que faire.

— © Michèle Le Clech

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