Cœur brisé

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broken_heartCe que l’on appelle aujourd’hui l’inconscient est avant tout une part de nature et les rêves aiment à nous le rappeler. Ils se servent d’ailleurs parfois de nos activités les plus ordinaires pour souligner un aspect d’importance que nous aurions laissé passer.

Comme le jardinage, par exemple.
L’âme et le jardin ont beaucoup en commun, l’une et l’autre réclame du soin. Et sur les territoires de l’âme comme au jardin,  on tombe régulièrement sur quelques pierres et parfois, l’une d’entre elles est si grosse que, pour pouvoir l’enlever, il faut envisager de la casser.
De façon quasi imperceptible, on sent quelque chose qui frémit à cette idée, un sentiment que l’on balaie pourtant rapidement d’un revers de jugement : ce-n’est-rien-qu’une pierre…

Au matin, un rêve décille le regard et pour le voyageur de l’âme, c’est l’occasion de faire le lien entre le dedans et le dehors. Il voit que ce qui a été déterré occupait une place insoupçonnée dans son espace intérieur, et qu’il convient vraiment de faire place nette. Il comprend que le frémissement qu’il a ressenti vient d’un côté qui refuse à l’évidence que la pierre soit cassée : cela lui briserait le cœur.
Littéralement.
Dans la réalité, la pierre est un amas de gravats et de béton ; sans doute vient-il du chantier de construction de la maison et, pour une raison ou pour une autre, s’est vu enfouir dans la profondeur.
Mais le rêve  met l’accent sur l’endroit précis où la pierre a été déterrée ; elle émerge des couches très profondes de l’histoire familiale, ou plutôt ancestrale, et le rêveur sait bien qu’il va falloir casser tout cela, ne serait-ce que pour permettre à la terre de porter de nouveaux fruits. Cependant, la crainte d’avoir le cœur brisé est trop présente — et sans doute légitime : cela s’est produit tant de fois déjà !

On a beau aimer cette médecine de l’âme qui réclame sans cesse de nouveaux territoires à explorer, les nuages noirs qui s’amoncellent au dessus de nos têtes ne présagent rien de bon et rendent frileux.
Pourtant, une fois encore, le voyageur embrasse le processus, accepte que tout vole en éclat…  il sait d’expérience que l’Amour nous détruit pour mieux nous façonner, jusqu’à faire de nous un miroir, qu’il polira encore et toujours et dans lequel il pourra se refléter.
C’est à ce prix que le conditionnement dans lequel on a grandi s’efface alors. Le béton (parfois armé) qui servait depuis longtemps de rempart contre les véritables émotions, n’est plus qu’un tas de débris. La nuit obscure de l’âme emplit l’espace et la rivière se gonfle de larmes. La souffrance des Anciens se fait entendre, se mêle à la nôtre, et l’on se tient là, témoin vigilant de la transformation. Ne pas interférer, ne pas lutter, mais se laisser transformer. Là est le chemin. Là est le secret : devenir une simple tasse vide qui nous permet, non pas de comprendre intellectuellement les choses, mais de les accueillir, d’une façon toute féminine.

Décembre. Il fait froid et sec. J’entends les morts qui se rapprochent de nous, j’entends les os des feuilles mortes craquer sous leurs pieds de lumière.
— Christian Bobin

Avoir le cœur ouvert, c’est accepter la béance, mère de la grande compassion, envers nous-mêmes ou nos proches, celle qui nous retient de priver quelqu’un du contact avec sa “vraie vérité” en usant d’artifices tels que : “Faut pas se laisser aller ! Tu peux pas pleurer comme ça… Un homme ça ne pleure pas.”
Les siècles ont rempli des pages d’une liste bien trop longue.
Les rêves nous invitent à nous libérer de toutes les rigidités imposées par le monde, par l’éducation,  l’esprit du temps et celui du passé, afin de vivre au rythme de la nature et des saisons de l’âme.

— Michèle Le Clech ©

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